Moha Testo

Testo Moha

Il se fait tard, très tard, bientôt le soleil et Moha n'a pas
sommeil.
Il veille les yeux vides sur le carreau aride au mur de sa minuscule
cellule.
Une cigarette mal roulée se consume et tremble aux bouts de ses
doigts exsangues qui semble mourir le long de sa jambe.
Moha ne bronche pas, les mots sont froids, leur écho se cogne aux
parois de cette cage qu'il partage
avec un rayon de lune voilée et quelques rats pressés, aux pas vifs
et feutrés.
Par terre, un miroir s'est éparpillé en mille fraguements de verre
parmi deux, trois bibelots,
des vétements, une radio et des livres coincés sous un meuble
renversé.
Une sale odeur aux relents d'urine et d'excréments flâne et se
pavane depuis que les chiottes sont tombées en panne.
La tête dans une volute de fumée diaphane, Moha accroupi aux pieds
du lit, serre dans sa main une photo jaunie,
une vielle photo où un grand homme droit a mis sa plus belle
chéchia, un grand homme droit que tout le monde fête
à son retour de la Mecque, mais un grand homme droit qui vient de
partir dans un ultime soupir.

Refrain : x4
Un peu de sel sur une plaie ouverte

Durant la promenade, à l'écart des camarades de misère habituels et,
selon le rituel, Moha tourne et tourne puis,
s'enroule en boule, dans des mots qu'il traîne chuchotés à lui même,
des mots qui malmènent,
qui se referment et qui drainent de lourdes larmes blanches très
vite essuyées d'un revers de manche.
Il avait tant à lui dire, tant de choses à finir, rattraper le pire,
voir s'esquisser un sourire sur son visage,
où l'âge avait creusé les entailles d'une trop longue bataille sur
des chantiers de ferraille.
et Moha s'injurie et Moha se maudt en tirant la courte corde de sa
chienne de vie? sans grandes oeuvre, ponctuée de basse manoeuvres,
comme un mauvais fleuve, à la sortie de l'échec, qu'on lui a vite
appris à conjuguer du bec, sur des pupitrres en bois sec.
Les blocs de Nanterre ont des mâchoîres de fer et le cachot tire la
chasse en effaçants les traces.
Un coup de sifflet ramène tout le monde à l'entrée et on se presse
encore, sans la force d'un effort, à l'exacte verticale des
miradors.

Refrain

Il se fait tard, très tard, bientôt le soleil, Moha dort d'un lourd
sommeil.
Au matin, il se rendra à l'atelier souder des pièces d'acier de quoi
payer le miel de sa gamelle et puis, si la fatigue se tait,
il relira cette lettre froissée qu'il n'a pas pu envoyer et qui
semble saigner sous les toits d'ardoise du pénitencier.